ENQUETE    

Par Simone Toussi, Sémio-stratège en communication. Assistante Communication et Plaidoyer à Global Village Cameroon

"Au moment où l’Assemblée Générale des Nations Unies proclame 2012 « Année Internationale de l’énergie durable pour tous », le Cameroun présente un déséquilibre ahurissant pour ce qui est du rapport entre l’offre et la demande en énergie, de la disponibilité énergétique en milieux urbains et ruraux, alors que ces derniers regorgent d’un fort potentiel de sources d’énergies inépuisables et inoffensives."

Préambule 

S’il est vrai que les zones citadines présentent un peu moins de préoccupations relatives à l’énergie, les zones rurales par contre souffrent d’une quasi absence d’énergie, les activités y étant réduites et adaptées aux sources dont les populations disposent, et qui ne sont autres que ces sources d’énergies fossiles ou primaires dont l’utilisation ne va pas sans dommages. Plus concrètement, l’exploitation globale au Cameroun  des ces sources d’énergies dites primaires a été estimée à 93% de la consommation totale en 2010, soit 75% pour le bois-énergie et 20% pour les produits pétroliers en général ; l’énergie électrique (toutes sources incluses) occupant 7% seulement de la totalité.

Une conjoncture internationale engageante

Ceci montre l’infime place occupée de nos jours par les ER dans un pays où de toute évidence, la priorité est accordée aux sources d’énergies fossiles. La couverture nationale en électricité se trouve en fait très basse et ordinairement courante au détriment des zones rurales où l’électricité moderne est sinon un mythe, du moins un luxe. Pourtant, une considération plus subtile sources d’énergies propres et durables révèle ces zones comme les premiers antres du potentiel énergétique camerounais, en cela qu’elles présentent en grande quantité de la matière première exploitable pour la production des ER. Et du coup l’électrification rurale se pose sinon comme l’un des meilleurs moyens de développer l’énergie durable au Cameroun, du moins comme le principal pilier de développement de ce secteur, du moment qu’il participe de la politique d’un développement global,  constitue un facteur d’accès à la modernisation et implique aussi bien l’État que les opérateurs du secteur, la Société Civile, les Collectivités territoriales décentralisées, les potentiels partenaires techniques et financiers, etc.

Certains États  africains, comme le Sénégal et le Mali, l’ont compris lorsqu’ils élaborent une politique énergétique nationale incluant le secteur des ER comme un important maillon de la chaîne du développement global du pays. Dans ces cas précis, les initiatives en faveur des ER sont boostées par une volonté politique de promouvoir le secteur en passant par les projets d’énergie en zone rurale, et c’est ce qui peut expliquer les avancées considérables de ce secteur dans ces pays respectifs.

Le Cameroun n’en est pas en reste lorsque l’on interroge les différentes initiatives prises par les parties prenantes du secteur.

Une volonté politique manifestée

L’État du Cameroun, acteur principal, a manifesté sa volonté politique à travers la création de l’Agence d’électrification Rurale (AER), par la loi N° 98/022 du 24 Décembre 1998, et qui fonctionne par le décret N° 99/193 du 08 Septembre 1999. Cette agence se charge de la planification et de la mise en œuvre des projets d’énergie dans les zones rurales, à travers certainement la valorisation des sources d’énergie renouvelables. L’agence a déjà réalisé près de cinq projets d’ER dans trois régions du Cameroun. Plus précisément, deux mini centrales d’énergie solaire photovoltaïque ont été faites dans la région au Centre, département de la Sanaga Maritime, Arrondissement de Mouanko, localités respectives Yoyo 1 et Yoyo 2 ; dans le Sud et notamment à  Campo, 2 projets du solaire photovoltaïque consistant à l’installation de kits individuels à Akak et Dokobe ; dans le Nord, la localité de Djalou, arrondissement de Ndembo, a également bénéficié d’une mini centrale d’énergie solaire photovoltaïque. Depuis 2008, l’agence s’est dotée d’un Fonds devant assurer la mobilisation des financements pour l’implémentation des projets. C’est une démarche considérable qui, pour gagner en valeur opérationnelle, devrait s’accompagner d’un cadre stratégique et juridique bien définis et cohérents  pour le secteur.

Une forte adhésion de multiples parties prenantes

• Acteurs locaux

Auprès de l’État, les organisations de la société civile (OSC) s’activent également pour la promotion de ces énergies  dont le développement leur semble répondre à un besoin mille fois plus considérable que la simple électrification des ménages en zone rurale : la protection des écosystèmes et la lutte contre le Changement climatique sont un enjeu majeur. En effet pour ces ONG,  promouvoir le développement du secteur des ER relève de la défense d’un idéal écologique qui se veut primordial et dont la poursuite est nécessaire pour la sauvegarde des intérêts communs sur le long terme. Ces nouvelles sources d’énergies sont donc prisées et promues non seulement parce qu’elles sont « renouvelables », mais aussi et surtout parce qu’elles sont « propres », contrairement à d’autres.

C’est sans doute la raison pour laquelle les projets des OSC y relatifs sont surtout orientées vers les zones à risque écologique, ou des zones présentant des susceptibilités naturelles, en occurrence le Grand Nord du Cameroun fort de ses 3 régions : l’Extrême Nord, le Nord et l’Adamaoua.

C’est dans cette optique que l’ONG Global Village Cameroon s’est évertuée, entre 2009 et 2010, à construire une mini-centrale d’énergie solaire dans la localité de Ngan-ha, région de l’Adamaoua – Cameroun. Ce projet avait pour objectif de répondre  à une partie des besoins combien multiples de ces populations victimes à la fois de leur trop grande proximité du sahel, et de la négligence dont pâtissent la quasi-totalité des zones rurales du Cameroun. Alors, même si quelques problèmes persistent, ces populations auront pour le moins compris, par des campagnes de sensibilisation,  le danger que l’environnement encoure face à leur mode de vie. Aussi l’énergie électrique distribuée  à partir de cette mini-centrale leur évitera-t-elle désormais le recours à des pratiques rudimentaires essentiellement dévastatrices.

Et de manière générale, les ONG nationales comme GVC s’attèlent à la vulgarisation des kits solaires, l’utilisation du biogaz dans les ménages, et les constructions de mini centrales photovoltaïques dans certaines localités, avec bien sûr le soutien financier des bailleurs de fonds internationaux.

• Acteurs internationaux

Auprès de ces acteurs nationaux se dressent les acteurs internationaux dont les opérations s’inscrivent dans le cadre de la coopération Nord-Sud, ou parfois dans un contexte de partenariat pour la promotion du Développement Durable et de la Protection de l’environnement. Ce sont des Organisations Internationales comme Greenpeace, comme l’UICN, Énergies pour le Monde, etc. qui investissent dans les projets d’ER en zone rurale directement ou via les ONG locales et nationales.

Avec autant d’initiatives et opérations, l’on se rend compte que jusqu’ici, les zones rurales sont prioritaires pour assurer l’émergence des ER au Cameroun. Mais avec les implications de toutes parts, le cap est loin d’être franchi ; toutes les actions sont menées comme en eaux troubles sans orientation spécifique. Pour encourager le développement du secteur dans le bon sens, il est plus que temps de se pencher sérieusement sur les questions liées aux enjeux de l’investissement et reconsidérer le cadre institutionnel et réglementaire.